Tu te fixes dans ce miroir, ton peignoir entre-ouvert sur ton corps nu. Ton regard s'éteint, s'illumine. Moche, laide. Morte. Tu n'y arrives plus. Tu ne comprends pas comme tout cela avait commencé. Un jour, comme ça. Oui, peut-être. Mais, rien ne va plus. Tout te brule. Tu ne sais plus comment sourire à nouveau. Comment revenir celle que tu étais. Qu'on aimait, adulait. Toi, leur fille, si connu dans ta ville. Mais...tout était fini maintenant. Car, tu avais changé et, plus personne ne te regardais, ne te parlais. Tes parents ne savaient plus quoi faire et toi...tu te perdais inlassablement dans un océan déchainé. Doucement, tes mains vinrent se glisser sur ton corps, ta peau laiteuse. Tu en avais trop vu ? Pas assez ? Tu n'arrivais plus à réfléchir. Tes yeux fous ne savaient plus où regarder pour s'illuminer à nouveau. Soudainement, des mains vinrent rejoindre les tiennes. Et, cette chaleur que tu cherchais glissa le long de ton corps, le réchauffant lentement. Te faisant frissonner. Et si...était-ce la solution ? Dans le miroir tu fixais ton reflet et, derrière toi cet homme en blouse blanche. Aujourd'hui on t'autorisais à sortir. Ton séjour était fini. Mais, pourquoi ? Tu n'étais pas prête pour retourner dans la réalité. Là où tous les regards se poseront sur toi. Jamais. Tu ne le voulais pas. Un gémissement. La fin.

Et encore une fois. Tu fixais la pierre tombale devant toi. On t’avais dit que ça te ferais du bien. Accepter. Comprendre. Mais, toi, tu n’avais pas envie d’être là. Mais, les docteurs avaient dit. Ils avaient dit, mais, ils avaient tort. Car, cela ne te blessais que plus de fixer cette pierre grise où se trouvait épitaphe et photo. Tu voulais fuir. Fuir cette vie, cette ville. Doucement, dans ta tête, un déclic, comme un coup de feu. Et, tes yeux perdirent ce petit voile qui les recouvrait. Fuir. Oui, tu allais le faire. Un petit sourire vint se glisser sur tes lèvres et, contre toutes attentes, tu posas tes doigts sur tes lèvres, un baiser et, ils vinrent se poser sur la photo devant toi. Cet enfant…mort avant de vivre. Un autre sourire. « Adieu. » Ton corps se tourna, tu fis signe aux docteurs et, tu t’en allas. C’était le signe de l’acceptation, de la guérison. Mais était-il vraiment vrai ? Non…non, car, dans ta tête tout se mélangeait pour créer un nouvel ordre. Un ordre que toi seule pouvait comprendre. Mais, un ordre qui te ferait partir, te rendrait à nouveau libre. Peu importe si tu étais encore perdu en mer. Car…tu n’en pouvais plus de tout ça. Deux fois…pas trois. L’hôpital, trop blanc, trop calme, psychiatrique, ferma une nouvelle fois ses portes dans ton dos. Libre.

Bluebell. Une ville calme. Tu ne savais plus trop comment tu avais fini par atterrir ici. Mais, tu savais une chose, tu avais fui. Fuis loin et depuis déjà un petit moment. Un an et demi. Tu comptais. Était-ce bizarre ? Non, surement pas plus que toi. Assise sur ton canapé, tes genoux relevés sur ta poitrine, tu fixais la porte de la cuisine. Sa silhouette se dessinant à l'intérieur. Lui. Il était tombé du ciel, comme ça, d'un seul coup. Venant s'insinuer dans ta vie, dans ton corps. Si jeune et pourtant...destructeur. Mais, il restait là, chez toi. Tu le logeais, sans rien demander, laissant votre relation évoluer. Étonnante, secrète, violente, vache mais, essentielle. Oui, il était devenu essentiel à ta vie, venant remettre en ordre ton esprit comme tu le souhaitais. Il créait tout ce que tu cherchais pour te sentir vivante. Tout ce que tu avais cherché dans de nombreux bras. Et maintenant, il était là...Un sourire vint se dessiner sur ton visage alors que tu te détournais, cherchant l'heure, grimaçant en la trouvant. Tu allais devoir aller travailler. Parfois, tu te demandais, pourquoi faire. L'argent, si futile mais indispensable. Ton corps se redressa, enserré dans un tailleur strict. Cela t'allait bien. Avec ce maquillage chic, ce chignon parfait. Oui, c'était cela. Parfait. Tout ce qu'il fallait pour faire semblant et sourire aux autres...ceux que tu ne comprenais pas, que tu n'aimais pas. La vie.