5 septembre 1998 - 7:27PM

Cher journal, je crois que c’est comme ça qu’on commence non ? Alors, je sais pas trop ce que je dois faire, c’est ma maîtresse qui t’a donné à moi et m’a conseillé de t’écrire mes pensées. J’avoue je comprends pas vraiment pourquoi, elle me dit qu’elle est désolée et qu’elle ne sait pas faire mieux, elle a bien essayé, mais elle n’y arrive pas. Je ne sais pas du tout de quoi elle parle. M’enfin puisque je t’ai, autant au moins essayer de faire ce qu’elle m’a dit de faire. C’est bizarre quand même de parler à du papier. Tu voudrais peut-être savoir qui te parle ? Alors moi c’est Tennessee Brett Davenport, mais tout le monde –ou presque- m’appelle Tess, j’ai sept ans, j’ai pas de frère, ni de sœur, j’habite à Boston et tout ce que je sais, c’est que mes parents, enfin surtout papa, il voulait pas de moi, enfin si, mais il aurait préféré que je sois une fille, il a jamais voulu me dire pourquoi. Chaque fois que j’ose poser la question, j’ai le droit à une gifle, et encore la gifle c’est quand j’ai de la chance. Non, je te rassure, je vais pas passer mon temps à me plaindre, je sais que c’est que je le mérite quand j’en ai une, et puis c’est normal après tout, il a toujours fait comme ça, même avec maman. C’est juste que même si c’est normal, moi j’aime pas trop, ça fait mal quand même. Bon ben je crois que c’est déjà bien pour un début ? A plus.


18 décembre 1998 – 7 :31 AM

La maîtresse s’inquiète pour moi, elle a même fait venir des gens à l’école qui m’ont vu seul sans les copains de la classe. Moi je comprends toujours pas ce qui cloche, pourquoi elle me fait ça à moi ? Pourtant je suis pas méchant, bon d’accord dès fois il m’arrive de me bagarrer dans la cours de l’école à la récréation, mais en classe j’écoute, je suis sage, je parle jamais. Alors non, je sais pas pourquoi elle s’inquiète autant. Mais j’ai bien vu qu’elle scrutait mon visage souvent les matins et les gens qui sont venu, des médecins apparemment, ils m’ont regardé le ventre et le dos aussi. Après quoi, ils ont fait venir papa et maman pour leur parler. J’ai pas pu entendre tout ce qu’ils se sont raconté avec les docteurs, au bout de cinq minutes ils m’ont fait sortir. Avant que je ne sorte, j’ai entendu papa dire que je suis un garçon turbulent et très casse-cou. Quand enfin ils ont eu fini de parler, j’ai vu papa sortir avec un grand sourire face aux docteurs, ils se sont serrés la main et on est rentré à la maison. Son sourire s’est très vite effacé, à peine dans la voiture il avait ce regard très sombre quand il est pas content. A ce moment je savais que j’allais m’en prendre encore une, même si je savais vraiment pas ce que j’avais fait pour la mériter. Mais si je l’ai, c’est que c’est justifier, d’après papa c’est toujours justifié, alors comme il est un adulte, je le crois, parce que les adultes ils ont toujours raisons. Il a peut-être raison, mais moi j’aime toujours pas, et puis quand c’est maman qui prend et après elle pleure, bah moi ça me rend triste et je pleure aussi, alors je m’en prends encore une de plus parce d’après lui « les garçons ça pleure pas ! ». Bon je te laisse, je vais descendre prendre le petit déjeuner avant que papa ne monte me chercher, je veux pas qu’il voit que je t’écris.


16 juin 2001 – 1 :44 AM

Cher Journal. Il est tard ou tôt c’est au choix. Cette nuit encore une fois il est venu, encore une fois il s’est enfermé avec moi, maman le sait, maman ne dit rien, je la hais, pourquoi elle fait rien pour l’en empêcher. Il me fait mal. Je ne sais pas si c’est ça aussi c’est normal, mais ça avant il ne le faisait pas. En fait ça à commencé il n’y a pas tout à fait un an, juste après que les vacances d’été n’aient commencées. La première fois quand il est entré, je ne me suis pas méfié, bien que cela n’arrivais jamais qu’il vienne me dire bonne nuit, mais après tout, c’est mon père, alors… mais il a fermé la porte de la chambre, pas juste comme ça non, fermé à clef, là je ne savais pas encore ce qui m’attendais, et ça été pire que tout les coups que j’ai pu me prendre, ça été la pire fois de toutes, parce que depuis j’ai appris à m’enfermer ailleurs, dans mon monde, dans mon esprit quand il vient. Je ne ressens plus rien, mon corps est là, mon âme ne l’est plus. Je ne sais vraiment pas ce que j’ai fait pour mériter telle punition, mais ça doit être très grave selon lui, pour qu’il la répète aussi souvent. C’est pas tous les soirs et heureusement, je ne tiendrais pas je suppose, ou peut-être que si, en fait je sais pas, mais c’est selon ses humeurs, la plupart du temps c’est quand il rentre après avoir passé la soirée au bar avec ses amis, je le sais parce qu’il empeste quand il est sur moi. Mais en fait, ce qui m’énerve le plus, c’est parce que maman elle fait rien pour le retenir, parce que ça je sais que c’est pas normal. Oui c’est vrai, je pourrais le dire, en parler, mais qui me croirait ? Tu me vois dire à la maîtresse, « eh maîtresse, tu sais papa il vient dans ma chambre le soir parfois, il s’enferme avec moi et me fais des choses que je crois que c’est pas normal, et en plus ça me fait mal », non franchement, elle me rirait au nez, tout le monde penserait que j’invente, alors je dis rien, je veux pas avoir l’air ridicule, si on se moque de moi et que papa l’apprends ça sera encore pire après.


21 octobre 2007 – 4 :23 PM

Je viens de me lever, putain qu’est-ce que c’est bon de pouvoir faire ce qu’on a envie, comme on a envie et surtout quand on en a envie. Je me suis tiré de la maison ça fait pas encore trois mois, vive l’indépendance, ça n’a pas été difficile de leur demander l’émancipation, tu parles le paternel il n’attendait que ça, c’est limite s’il n’avait pas déjà les papiers pré-remplis et signés depuis ma naissance, attendant simplement le jour où il serait venu de me dégager. J’aurais pu avoir une super vie et ne rien connaître de ce que j’ai vécu, si simplement j’avais été une fille… et encore j’en doute. Je suis certain qu’il m’aurait fait la même chose que ce qu’il m’a fait endurer tant d’années depuis mes huit ans… Il m’aurait peut-être pas frappé avant ça, parce que oui maintenant, je sais que ça aussi c’était pas normal, enfin moi ça a toujours été ma normalité, donc bon, passons. Mais c’est certain, le viol répété, j’y aurais eu droit de toute façon, peut-être même est-ce pour ça qu’il aurait préféré une fille, peut-être qu’au final j’ai eu de la chance d’être un mec, j’ai reçu moins que ce que j’aurais eu si j’avais été cette fille qu’il voulait tant. Je sais bien que ça va pas être facile tous les jours pour moi, je fais plus d’études et je vais devoir survivre comme je peux, mais au moins lui il ne me touchera plus.


31 juillet 2011 – 2 :25 AM

Bon Anniversaire Tess, t’as vingt ans et tu fais quoi de ta vie ? Rien… Je suis misérable, mais je m’en fou, je suis MOI ! Non, et puis ce mec, il me casse les burnes, s’il me reparle ne serait-ce qu’une seule fois de cette façon, c’est clair je lui refais le portrait, déjà il a de la chance que ce putain de taf j’en ai besoin, parce que sinon, il ressemblerait déjà à la Joconde ! Nan mais sérieusement, c’est pas comme si je picolais ou que je faisais ça devant les clients, je suis à l’arrière et sur mon temps de pause, merde je suis libre, je fais ce que je veux ! Et puis y’a cette gonzesse aussi qui commence à me taper sur le système, je l’ai baisée deux ou trois fois et elle me colle aux basques, je lui ai pas promis le mariage non plus, elle a crut quoi là ? Moi on m’enchaîne pas, je n’appartiendrais plus jamais à personne et si elle continue je vais lui faire passer l’envie de revenir se traîner à mes pieds, ça me gave ces nanas fadasse qui accourt en un claquement de doigt, aucun caractère, aucune dignité, aucun amour propre. Bon au moins c’est pratique, quand j’ai envie, y’a qu’à faire un joli sourire et elles sont dans mon lit, mais bon j’aime pas la simplicité, c’est bien plus amusant quand elle devient une proie, quand il faut chasser pour obtenir l’objet du désir. Je suis un prédateur.


10 novembre 2011 – 9 : 36 PM

Ça y est, elle est partie, elle a comprit. Elle aura mis le temps, mais elle a comprit. Je suis dégueulasse je le sais, je suis devenu exactement celui que je ne voulais pas, je suis mon père. Je me déteste. Non, plus que ça, je me hais, je ne peux même plus me regarder dans une glace tellement je le vois lui quand je me regarde. Je lui ressemble certes, mais en plus je suis comme lui, je suis peut-être même pire que lui. Je me noie dans l’alcool bien plus souvent qu’il ne le faisait, je me complet dans la drogue qui m’évade de mon quotidien de misère, je n’ai aucune situation, lui au moins avait un véritable emploi, mais le pire de tout, je suis violent. Oui elle est partie, mais parce qu’elle en a eu marre de mes coups… Moi qui la croyait sans force de caractère, je lui donne le mérite d’avoir eu les tripes de se barrer avant que ça ne dégénère, pas comme ma conne de mère. D’ailleurs j’ai appris il y a peu son décès. Etrangement, je n’en suis même pas triste, tellement c’était à prévoir… mon père l’aura finalement tuée sous ses coups, je n’en doute pas un seul instant. Depuis que je les ai quittés je ne les ai jamais revu, ils ne m’ont jamais manqués et apparemment c’était réciproque, ils n’ont même jamais essayé de prendre de mes nouvelles, pourtant je n’étais pas loin. Mais j’ai pris une décision aujourd’hui, je me casse de Boston, je vais tenter de recommencer ma vie ailleurs. Je sais bien que c’est sans doute illusoire, mais peut-être pourrais-je arriver à faire quelque chose de moi là où l’on ne me connait pas, à où personne n’aura de préjugés sur ma vie d’antan.


19 août 2012 – 5 :15 AM

Tiens, je n’avais plus rien écrit depuis que j’ai quitté Boston… Un petit topo des derniers mois s’impose j’ai l’impression… Ma vie est-elle devenue meilleure ? Absolument pas, je dirais d’une certaine façon qu’elle est pire. Je n’ai rien arrangé du tout, je suis même tombé bien plus bas à vrai dire. Je me suis baladé de villes en villes, jusqu’à atterrir dans ce bled appelé Bluebell, je ne sais pas trop comment d’ailleurs je suis arrivé jusque là. M’enfin bizarrement je n’en suis toujours pas parti. J’écume les bars quand je ne bosse pas, pendant pas mal de temps je n’ai pas eu de toit, il fallait bien que je reste au chaud, d’autant que c’était l’hiver. Mais pour pouvoir boire et rester dans le bar et prendre ma dose, il me fallait de la tune, et je n’arrivais pas toujours à avoir du boulot, d’autant qu’on me gardait jamais longtemps, allez savoir pourquoi ? Enfin si, je sais pourquoi. Je suis alcoolique, drogué, dépressif et violent, je fais du rentre dedans à tout ce qui porte une jupe, mais pas seulement, j’ai du me rabaisser à faire des choses que jamais je pensais que j’en arriverais à ça pour survivre, bref je suis pire qu’un déchet. Mais tu sais quoi ? Je m’en fou de tout, parce que moi ma vie elle me plaît, aucune contrainte, aucune attache, en résumé la LIBERTE ! Ah si, il y une chose de positif quand même.. une nouvelle nana dans ma vie et je crèche chez elle depuis au moins cinq bon mois, je sais plus trop, je me rappelle plus vraiment quand c’était. J’étais une fois de plus torché, comme à mon habitude –bosser dans un bar, ça aide pas-. Le patron m’a viré à coup de pied, je lui ai rendu ses coups, il était largement plus fort que moi, j’ai fini affalé devant une porte d’entrée, et c’est là qu’elle est apparue dans ma vie. Je l’ai prise pour une folle pendant longtemps, à vrai même encore maintenant je la crois folle. Sérieux faut être barée pour héberger un type comme moi aussi longtemps sans le mettre dehors ou prendre la poudre d’escampette. Nan, parce qu’avec ce que je lui fais subir, je me serais déjà foutu dehors si j’avais été elle. Je lui en fais voir des vertes et des pas mûres et pourtant elle me supporte, jour après jour. Je sais pas comment elle fait, c’est pour ça que je continu parfois à penser qu’elle est barge, mais bon je le suis aussi dans un sens, d’autant plus que je sais pas comment c’est arrivé, mais c'est que je m’y suis attaché à elle. Ne sortons pas les grands mots tout de suite hein, c’est pas ça du tout… mais elle m’a bien aidé, elle m’aide encore beaucoup, rien qu’en me laissant dormir là, alors oui, je sais pas trop ce que je ferais sans elle…