Cathleen & Declan

La fermeté de son visage et l’inquiétude au fond de ses yeux me firent réaliser que poursuivre cette conversation reviendrait à alimenter un incendie. En pensant agir pour le bien, j’en payais le revers de la médaille à cette seconde. Angoisser ma femme était bien la dernière chose que je souhaitais. La situation à la maison n’était pas optimale. Elle était toujours en convalescence et la majorité du temps, elle devait s’occuper de notre fils. S’emparant de ma main et la portant à ses lèvres, je notais que son inquiétude laissait désormais place à cette infinie tendresse dont elle fait preuve à mon égard depuis des années. « Promis. Tous les deux, vous serez coincés avec moi jusqu’à mes vieux jours. » Plaisantais-je, cette lueur d’amusement au fond des yeux, elle devait bien savoir que je n’avais pas agi pour l’inquiété mais uniquement pour avoir agi à l’instinct.

Ce qui se déroula sous mes yeux, je ne me m’y attendais pas. Un instant, elle était dans mes bras, s’inquiétant de ma bosse et la seconde suivante, elle prenait ses distances m’accusant pratiquement de lui avoir tendu un piège. De l’avoir trahit. J’ignorais qui était ce type. Je ne connaissais pas son nom. Le temps que j’additionne un et un, et qu’ils se connaissent, je réalisais que les circonstances de ma rencontre avec cet homme aurait totalement pu être une embuscade. Simplement pour se rapprocher de ma femme. Des souvenirs partagés par Cath’, je savais qu’il n’était pas le bon samaritain. Il avait sacrifié sa famille pour sa carrière. Abandonnant ses filles. Détruisant Cathleen et sa foi en l’espèce masculine. Quand bien même, j’avais réussi à lui faire réaliser que tous n’étaient pas des salops. Son père ne faisait pas exception à la règle.

A cette soudaine réalisation, cette colère m’envahit. J’avais appris à canaliser cette violence qui s’emparait de moi. Je me contrôlais. Sauf qu’à cet instant, je perdais pied. Pas parce que je n’avais pas la force de me contrôler mais parce que cet homme avait participé à détruire la personne que j’aime le plus au monde. Et il avait besoin d’une leçon, même si Cath’ m’engueulerait plus tard. C’était qu’un détail. Je m’assurais alors qu’Auggie et Cath allait bien avant de finalement écraser mon poing sur la figure d’Harrington senior.
« Declan ! » m’avertit-elle alors que je n’hésitais pas à menacer son père.

On avait une vie. On avait ramé pour arriver à ce stade. Etre une famille. Beau papa débarquait comme un cheveu sur la soupe et j’devrais faire comme si de rien était ? Comme si le passé n’avait jamais existé ? Cathleen savait dans le fond que je ne pourrais pas rester tranquille. Pas en sachant ce que son père lui avait fait enduré au cours de ses années de silences. Il ne s’écoula pas plus d’une minute avant qu’une infirmière débarque dans la chambre suite au vacarme qu’on venait de faire.

« Faut-il que je prévienne la sécurité ? »
« Non », souffla Beau Papa. « Il s'agit d'un malentendu. » Je me contentais d’un haussement d’épaule, accompagné d’un regard assassin. Qu’il disparaisse, ça nous fera des vacances.

Les fantômes du passé finissaient toujours par revenir. Pas que ça me plaise. Surtout maintenant. Cathleen avait suffisamment de choses à gérer. Avec son père en plus, c’était des problèmes supplémentaires à envisager. Beau papa finit néanmoins par disparaitre de la chambre avec l’infirmière alors que mon regard restait focalisé sur la porte qui se refermait.

« Declan... » Je m’attendais à une remontrance. Je la méritais. J’étais capable de controler mes crises. C’était de plus en plus rare que ma colère que domine. Mais en l’occurrence, à cet instant, je l’avais désiré. Je ne voulais pas le voir autour de ma famille. Pas après avoir connu une Cathleen complètement détruite. Ce souvenir me brisait le cœur. C’était avoir un poignard en plein cœur qu’on prenait un malin plaisir à enfoncer et retourner un peu plus profondément à chaque mouvement.

« Viens » Je restais silencieux. Il n’y avait rien que je puisse ajouter. Elle savait pourquoi je m’étais laissé emporter. Prenant cette main qu’elle me tendait, je les rejoignis lorsqu’elle tira sur ma main et se réfugia précipitamment dans mes bras. J’encerclais naturellement sa taille. La serrant puissamment contre moi, tout en déposant un baiser sur la tête d’Auggie, puis sur le front de ma femme.

« Fais moi voir ta main » me demande-t-elle en s’écartant de moi. Mon regard glissant sur elle, je note le détachement de sa voix. Elle va chercher à éviter le sujet. Et tant qu’elle n’y serait pas prête, je me confronterais à un mur et à de soudains changements de conversations. Je me pinçais les lèvres et lui laissait l’espace dont elle aurait besoin pour gérer la situation. Je grimaçais légèrement lorsque ses doigts glissèrent sur mes articulations douloureuses. « Tu n'aurais pas dû faire ça » Je levais les yeux vers elle. Elle ne le pensait pas sérieusement ?

« Come on ! J’étais censé lui dérouler le tapis rouge ? C’est rien comparé à ce que j’ai très souvent rêvé de lui faire subir. » avouais-je dans un soupir, incapable de croiser son regard à cette seconde. Oui j’avais des pulsions de violence. Je me soignais mis ça ne voulait pas dire, que mes pulsions disparaissaient complètement. Un élément suffisait à déclencher une crise. A mes yeux, Beau papa méritait qu’on lui rappelle qu’en tant que père, il avait des obligations. Et que désormais, il n’était pas le bienvenu dans la vie de sa fille.

Peut-être que j’y allais trop fort. Après tout, c’était la décision de Cathleen d’accepter de le voir ou non. Cependant, je ne resterais pas sans rien faire. Il devait savoir qu’il ne pourrait pas me duper comme il doit le faire avec d’autres personnes. Quand bien même il donne l’impression d’être un type sympa, le doute serait toujours présent. Tenant Auggie dans mon bras valide, je l’observais tendrement alors que Cath’ venait de quitter la chambre pour chercher de la glace.

« Même si elle veut pas l’avouer, j’suis sûr qu’elle a apprécier que j’prenne sa défense. N’oublie jamais que ta maman est plus sensible que ce qu’elle veut laisser croire. » murmurais-je pour Auggie alors que finalement quelques secondes plus tard, je la voyais réapparaitre.

« Hey. Ca va ? » « Hey. » me contentais-je d’ajouter. Est-ce que j’allais bien ? L’adrénaline parcourait toujours mon corps. Dans quelques heures, les effets se dissiperont mais pour le moment, je me sentais bien. « Erin revient avec de la glace »

Je me pinçais les lèvres. Erin ne se contentera jamais d’un ‘j’sais pas de quoi tu parles’. C’qui était bien dommage d’ailleurs. Parfois, j’avais vraiment envie que ma vie puisse rester privée. Sans qu’une personne vienne fouiner dans ma vie et découvrir les squelettes qui s’y trouvent. « Merci, pour ce que tu as fait... Même si j'aurais préféré que tu restes tranquille... », son sourire revenant progressivement danser sur ses lèvres alors que ses doigts s’enfouissaient dans les cheveux de bébé de notre fils.

« Tu peux me demander n’importe quoi, tu le sais. Mais lorsqu’il s’agit de lui, tu pourras jamais empêcher mon instinct protecteur. Pas après ce qu’il t’a fait. » soufflais-je en glissant ma main sur la sienne, la serrant doucement. « Est-ce qu'il t'a dit ce qu'il faisait en ville ? » Je soupirais.

Elle voulait réellement avoir cette conversation ici ? Je plongeais mon regard dans le sien, à la recherche du moindre manque de détermination. Elle voulait réellement savoir. Elle avait besoin de savoir à quoi s’attendre de sa part. Je m’humectais alors les lèvres. « Il a juste mentionné de reprendre contact avec sa fille… et j’en déduis qu’il ne parlait pas d’Ailin. J’imagine qu’il va lécher ses blessures et qu’il réapparaitra lorsque je ne serais pas dans le coin. » achevais-je pour moi-même.

« Rien ne t’oblige à lui parler ou même à être en sa présence. Et si tu veux que j’lui fasse entendre raison, t’as qu’un seul mot à dire. » Excepté que je la connaissais et qu’elle ne le fera pas. Parce qu’elle m’aime et que je me retrouve au milieu d’un bagarre ou encore d’être embarqué par les flics pour coups et blessures. « J’peux pas te promettre que j’le toucherais plus… mais j’peux essayer d’être plus civilisé avec lui. »

C’était un début. Après tout, c’était mon beau père et j’lui devais le respect. Sauf que j’me servirais bien de sa tête comme d’un punchingball pour me défouler et pour jouer aux fléchettes aussi. Je fis alors glisser mon pouce sur le dos de sa main lorsque la porte s’ouvrit lentement pour laisser entrer Erin avec un sac de glace et un tube de crème entre les mains.