Mia s’était presque levée en catastrophe ce matin-là. A vraie dire, elle s’était couchée tôt, mais avait passé une nuit très agréable. Ce qui n’était pas arrivé depuis des siècles. Depuis que le père Adsons était décédé, que la mère des filles était placée en maison de repos, et qu’il fallait continuer de faire fonctionner le magasin comme il se doit, Mia passait des nuits plutôt agitées. Elle avait du mal à s’endormir le soir et faisait énormément de cauchemars. Elle en avait déjà parlé plusieurs fois à son médecin qui lui avait dit que tout était normal. La belle devait simplement prendre du repos, pour aller mieux ensuite. Chose qu’elle n’arrivait visiblement pas à faire. Mia avait toujours été quelqu’un d’actif, toujours à faire quelque chose, jamais là, tranquille à se poser, non. Elle avait constamment le besoin de bouger, de penser à autre chose que ce qui la faisait souffrir intérieurement, c’est-à-dire la perte d’un être cher à ses yeux. Mia se montrait forte, notamment pour ses sœurs. Surtout pour Sila, qui était beaucoup plus jeune qu’elle. La belle n’était qu’une adolescente et avait besoin de repères. Et ses repères étaient Mia et Jemima, ses deux grandes sœurs. Si Mia pouvait compter sur elle pour tout et n’importe quoi, elle n’en restait pas moins protectrice avec celle qui n’avait qu’un an de moins qu’elle. C’était ainsi, depuis toujours. Et depuis maintenant quelques années, les filles avaient appris à vivre à trois. Uniquement à trois. Ce changement radical avait été difficile, mais au final, les filles avaient réussies. Tout se passait pour le mieux, et Mia pouvait enfin reprendre le cours normal de son existence. Elle retournait en cours – dans une école de danse de Mobile – tout en s’occupant du magasin avec les filles. Elles étaient plus proches que jamais. Mais ce matin, tout avait été chamboulé. Mia était en retard. Très en retard. Elle se réveilla en sursaut, constatant qu’il était déjà onze heures du matin. Elle avait manqué les cours, en plus. Se levant de son lit rapidement, elle courut jusqu’à la salle de bain se préparer, puis descendit jusqu’au rez-de-chaussée. « Mia, détends-toi, ce n’est pas pour une fois ! » C’était Sila. Que faisait-elle là ? Et les cours alors ? « Sila, t’es pas au lycée ? J’ai raté une matinée de cours parce que tu m’as pas réveillée, c’est ça ? » Mia était quelque peu en colère. « Grève ! Il y a grève aujourd’hui ! Et si je ne t’ai pas réveillée, c’est parce que tu dormais bien… et je sais que ça n’arrive pas souvent » dit-elle en haussant les épaules, presque désolée. Elle n’avait pas tord, mais quand même… Mia soupira : « T’es nulle… mais je t’aime quand même petit monstre ! » dit-elle en la prenant dans ses bras. « Une fois, pas deux ! Je ne peux pas me permettre de manquer les cours tous les jours » « Je sais » Et voila, Mia avait sa journée à elle seule. Elle but une tasse de café – ou plutôt un bol – comme chaque matin, puis laissa Sila seule pour rejoindre Jemima à la boutique. Elle passa à la boulangerie où elle acheta deux sandwich, un pour elle, et un autre pour sa sœur, qui ne devait pas avoir mangé depuis le matin. Midi approchait et l’heure de la pause également. Entrant dans le magasin en trombe, elle salua une cliente qui sortait tout juste du magasin avant d’annoncer – après avoir vérifié qu’il n’y avait plus personne – à sa sœur : « Mima, l’heure de ta pause est officiellement arrivée ! » Elle ria en s’approchant de la brune qui rangeait quelques articles. Evidemment, en tant que co-gérantes, les trois filles faisaient ce qu’elles voulaient, quand elles le voulaient et n’avaient pas besoin de l’autorisation de l’une ou de l’autre, mais c’était une façon d’arriver tout en rigolant. « Vous auriez du me réveiller ce matin, sœurs indignes ! » puis elle la prit dans ses bras : « Alors, tout va bien ? » Par là, elle entendait plusieurs choses : comment Jemima allait, et est-ce que la boutique tournait bien aujourd’hui.