DETROIT, MICHIGAN, 10 ans plus tôt –

« Mademoiselle Carpenter, avez-vous déjà une idée d'où vous désirez aller ? » faisant face à l'assistante du lycée, Lou-Ann eut un sourire en coin. À dix-sept ans, elle était dans la dernière ligne droite de ses études, dans quelques mois elle aurait fini le lycée, avec une année d'avance. À partir de ce moment-là, elle pourrait se rendre dans n'importe quelle Université de son choix, au vu de ses excellentes notes ! Et l'assistante le savait, tout comme les parents Carpenter et tous les professeurs du lycée. « Vous avez postulé pour certaines Universités de l'Ivy League ? » « Oui, j'ai envoyé des demandes à Yale, Princeton et Dartmouth... Cependant, j'hésite encore... » l'assistante prit son bic et rechaussa ses lunettes sur son nez fin. Le dossier scolaire de l'adolescente d'un côté, un petit carnet en face d'elle, elle porte sur Lou-Ann un regard intrigué : « Qu'est-ce qui vous fait hésiter ?  Pas vos points, vous avez le quotient intellectuel pour réussir dans l'école de votre choix. Quant aux lieux, j'ai vu que vous aviez dit que partir loin de Détroit pour vos études ne vous poserait pas de problèmes... » depuis qu'elle était enfant, la jeune fille avait toujours crié haut et fort qu'elle réussirait là où personne ne la voyait arriver, étant la souffre douleur de ses 'camarades' en primaire. Une fois arrivée les années collège et lycée, Lou-Ann s'était tissé une carapace, voulant réussir dans tous les domaines ! Ainsi, elle avait les meilleurs points de sa classe, avait réussi à sauter une année et avait été élue présidente des élèves les deux dernières années. Tout le monde s'attendait à la voir s'orienter vers les plus grandes Universités d'Amérique, voir même partir faire des études à l'étranger : en France ou au Canada. Sauf que le désir de la jeune fille était tout autre : « J'ai postulé et j'ai été acceptée à la Barry University... » située dans la ville d'Orlando, en Floride, cette Université avait longtemps fait rêver la jeune Carpenter. S'était d'ailleurs son petit ami qui lui avait fait découvrir cet endroit, lui qui avait décidé de se rendre à Jackson, dans le même état que Lou-Ann. La décision qu'elle avait prise n'avait rien à voir avec le fait que Jael allait se rendre en Floride, elle avait d'ailleurs prit la décision de le quitter le lendemain de la remise des diplômes. En faisant des recherches sur la Floride et les écoles qu'elle possédait, Lou-Ann était tombée sous le charme de cette ville vivante, dynamique et qui semblait tellement agréable à vivre ! Elle était tombée amoureuse de l'architecture de la ville, mais surtout, le programme de l'Université était exactement ce qu'elle désirait ! Et puis, la ville se situait à presque vingt heures de Détroit, à plus de mille deux cents miles et s'était un point en plus. « Vous avez dix-sept ans Lou-Ann. Il est temps que vous preniez vos propres décisions, sans rien attendre de personnes ! Vous voulez vous rendre à Orlando ? Prenez les choses en mains ! Vous n'êtes plus une enfant, dans quelques mois, vous serez dans le monde des adultes ! » et dans un sourire encouragent, l'assistante referma le dossier de Lou-Ann, lui remit une carte avec son numéro et l'invita, d'un signe de la main, à quitter son bureau.

ORLANDO, FLORIDE, aujourd'hui –

Il était huit heures lorsque Lou-Ann Carpenter Callaghan se réveilla, ce matin-là. S'étirant, elle rencontra une place vide et froide, juste à sa gauche, ce qui la fit se redresser rapidement. Elle constata rapidement que l'oreiller n'avait servi à personne durant la nuit et que le côté du lit qui devait être occupé par son mari, n'avait pas ses draps froissés. Soupirant, elle ferma quelques secondes les yeux, avant de les rouvrir et de se lever. Elle se dirigea lentement vers la cuisine, sachant pertinemment qu'elle était vide et que son mari n'était pas rentré de la nuit ! Lou-Ann fit couler le café et prit son portable, essayant de joindre Mark. Après trois essais, elle lança le GSM sur la table et s'alluma une cigarette. À première vue, la jeune femme de vingt-sept ans avait tout pour être heureuse : une grande maison sur Palmer Street, dans la ville qu'elle chérissait de tout son cœur et exerçait le métier qu'elle aimait, possédant son propre cabinet. À vingt-sept ans, elle ne voulait toujours pas d'enfant et elle avait eu la chance de tomber sur un homme qui voyait la vie de la même façon qu'elle et qui avait un haut poste, ce qui faisait que la vétérinaire avait une vie de princesse... Sauf que, dans une vie parfaite, elle se serait réveillée auprès de son mari, elle ne se ferait pas trompé à longueur de temps et ne sentirait pas comme un énorme vide dans son cœur et une boule de tristesse dans le fond de son ventre ! Non, dans une vie parfaite, tout irait bien... Alors qu'elle se mordit les ongles, Lou-Ann entendit la porte d'entrée s'ouvrir. Prenant un visage de marbre, elle écrasa la cigarette sur le rebord de la fenêtre et la balança au dehors, avant de se diriger d'un pas ferme vers le hall d'entrée. « Bonjours mon amour ! » alors qu'il venait pour l'embrasser sur les lèvres, Lou-Ann détourna la tête, bras croisés sur la poitrine. « Je suis désolé mon ange... Il y a eu un énorme accident et les urgences ont été pris d'assaut ! » « Oui, bien sûre. Il y a beaucoup d'accidents en ce moment, dont aucun journal ne daigne parler ! Bizarre non ? Alors, au lieu de me prendre pour une idiote, dis moi avec quelle pétasse tu as passé cette nuit ? La jolie petite infirmière, elle s'appelle comment encore ? Ah oui, Aurore ! Ou avec cette rousse pulpeuse de neurochirurgie ? Abigail ! Ou alors, et j'espère que ça sera elle, vu que c'est la seule à avoir un minimum d'intelligence dans toutes les poufs qui t'entourent, la cancérologue ? Tessa si je ne m'abuse ? Un joli petit lot, je dois l'avouer ! » Mark porta sur elle un regard froid, serra les mâchoires et les poings, avant de la contourner « Tu sais ce qu'on dit ? Un homme heureux dans son mariage ne va pas voir ailleurs ! Remet toi en question mon amour. » et il claqua la porte de la salle de bain. Furieuse, Lou-Ann tenta de se maîtriser, se rappelant les quelques cours de yoga qu'elle avait prit, quelques années plus tôt, mais rien n'y fit ! Soudain, sa décision fut prise ; elle prit plusieurs sacs de voyage, mit toutes ses affaires dedans, prit la lettre de notaire qu'elle avait reçue quelques jours plus tôt, les clés de voiture et écrivit un « Va te faire foutre connard ! Quand je reviens, je veux le divorce ! Tu peux déjà voir avec Lisa » qu'elle colla sur la porte du réfrigérateur. Quand elle fut derrière le volant de sa voiture, elle soupira : direction Bluebell. Ou plus communément : la ville qu'elle avait fuit depuis dix ans !

BLUEBELL, ALABAMA –

Les retrouvailles avec Erica-Anne avait été tendue ! En même temps, l'aînée des Carpenter ne s'était pas attendue à ce que sa petite sœur et elle-même tombent dans les bras l'une de l'autre. Les deux sœurs étaient aussi différentes physiquement que psychologiquement et jamais, en vingt-quatre ans, Lou-Ann n'avait ressenti le moindre lien entre elles deux. La seule chose qu'elles avaient en commun étant leurs parents... Quand Lou-Ann avait reçu la lettre de notaire expliquant qu'elle avait la moitié des terres du ranch de leur regretté oncle, la jeune Floridienne avait pensé venir ici pour estimer les lieux, le vendre, toucher sa part et retourner en Floride s'occuper de son divorce ! De plus, elle avait un cabinet vétérinaire à faire fonctionner, elle n'avait donc pas de temps à perdre dans cette foutue ville. Pis, ce n'est pas parce qu'elle ne mangeait pas de viande, qu'elle aimait pour autant la compagnie des vaches, des cochons et autres animaux de la campagne et leurs odeurs bien dérangeantes ! Suite à l'altercation avec Erica-Anne, la jeune femme reprit sa voiture, plus énervée que jamais et se dirigea vers la petite ville. Cela ne ressemblait en rien à Orlando et elle détestait cet endroit ! Sa ville lui manquait déjà, avec son soleil, ses habitants et surtout, son ambiance unique et son cabinet vétérinaire... ses amis aussi, lui manquaient déjà et les petites soirées qu'ils se faisaient tous ensemble, sans conjoins. « La journée ne peut pas être pire ! » après tout, la pire chose qu'il pouvait à présent lui arriver étant de tomber sur son connard de mari... Quand elle se fut garée, Lou-Ann entra dans un petit café, à l'ambiance calme et cosy. Se renfrognant en se disant qu'elle n'était pas prête de rentrer chez elle, avec sa chieuse de sœur, elle ne fit pas attention et percuta l'un des serveurs ! « Bordel ! Mais vous ne pouvez pas ouvrir les yeux ?! » bon, okay, là elle se comportait comme la citadine qu'elle était devenue, mauvaise langue et refusant de reconnaître son tord dans l'affaire. Elle croisa les bras sur la poitrine, regarda l'homme en attendant des excuses alors que celui-ci se baissait pour ramasser les dégâts « Non, mais je rêve ! Vous êtes qui d'abord ? Les nanas avec des chaussures de douze centimètres, ça ne cours pas les rues ici ! Alors ? Vous vous êtes perdues ma jolie ? » « Gael ! » une femme entre deux âges sorti de derrière le comptoir et fit signe à son serveur de bouger de là, ce qu'il fit, mais n'oublia pas de lancer un regard mauvais à la jeune citadine, ce que Lou-Ann ne manqua pas de lui rendre ! « Vous êtes la sœur d'Erica-Anne n'est-ce pas ? Lou-Ann, si je ne me trompe pas ? » la femme lui fit un sourire franc et honnête et lui tendit la main « Je m'appelle Trudy. Ne faites pas attention à Gael, il traverse une mauvaise passe en ce moment... » « Ce n'est pas le seul ! Enchanté de vous connaître, maintenant si on stop les agressions orales, je peux peut-être prendre commande ou aller voir ailleurs ! » contre toute attente, la dénommée Trudy sourit à l'attaque vindicative de la jeune Carpenter « un sacré numéro ! Votre oncle m'avait prévenue... » elle lui fit un signe vers les tables près des fenêtres et qui donnaient directement sur la rue de Bluebell « allez prendre place ma jolie, on va venir prendre votre commande » et comme si la journée n'avait pas été assez mauvaise comme ça, la Trudy s'éclipsa dans un endroit que la jeune Carpenter ne put voir, laissant le seul et l'unique serveur ce jour-là, s'occuper d'elle...