Voilà. une fois de plus. Je me levais sans réelle ambition, enfilant une nuisette, cachant ainsi mon corps nu. Quel numéro était-il ? Je ne comptais plus, pour tout vous dire. Qu'est ce qui les attirait chez moi ? Je n'en avais pas la moindre idée. L'exotisme, sûrement. J'étais d'origine Mexicaine, et là était le problème. Je n'avais aucun point de pression, rien, je ne pouvais pas partir d'ici. Je n'étais pas traumatisée, non. Je n'étais pas ce genre de fille prude qui aurait été brisée dès son premier client. J'étais forte. Mais pas assez pour trouver une solution pour me sortir de là. Me diriez vous, ce n'était pas si pénible. Je gagnais beaucoup d'argent, je n'avais pas de quoi me plaindre, et surtout, surtout, je n'avais pas de problème de papiers avec les autorités. Il me protégeait. D'une bien étrange façon, certes. Pas de la manière d'un ami, pas celle d'un père, ou encore d'un frère, ou bien d'un petit ami. Non, il me protégeait parce que j'étais sa chose, tout simplement, et il faut croire que cela lui suffisait.

Je suis née dans un petit village du Mexique. Un autre monde. Un monde assez particuliers, certes, mais un monde qui avait son charme. J'ai toujours vécu avec ma mère. Ma chère mère qui, malgré sa grande fragilité, a toujours été là pour moi. Elle m'a élevé comme une vraie guerrière. Pourtant, elle était bien jeune lorsque j'ai décidé de pointer le bout de mon nez. Elle était jeune, oui, mais surtout seule. Pas de famille. Pas de frère, pas de soeur. Pas de parents. Juste un petit ami qui avait décidé de lancer la poudre d'escampette une fois qu'il avait appris que ses petits spermatozoides inconscients avaient décidé de s'en prendre à la capacité procréation de ma mère. Pauvre con. Je ne l'ai jamais connu, vous pouvez vous en douter. La seule chose que je savais, c'est qu'il avait neuf ans de plus que ma mère. Il en avait vingt six, alors qu'elle en avait dix-sept. A ce qu'elle m'a dis, il faisait de grandes études, et était promis à un brillant avenir qui lui présageait l'héritage d'une boite économique. Soit, et alors ? Elle était si aveugle, si amoureuse encore, qu'elle aurait pu lui trouver toutes les raisons immaginables. Moi, tout ce que j'ai retenu, c'est qu'il n'a pas été là. Ni pour aider ma mère, ni pour lui tenir la main quand elle accouchait, ni pour fêter mn premier anniversaire, ni pour me consoler quand j'ai eu mon premier chagrin d'amour. C'est comme ça.

J'ai décidé de prendre ma vie en main. Ma mère me disait souvent " tu as de la force, un caractère de chien, et la beauté. Tu réussiras ". Elle était tendre et naïve, ma petite maman. Mais je devais avouer que sur ce point, elle avait raison. Encore fallait-il que ça suffise. Je voulais étudier. Etudier les langues, l'histoire, le droit, peut-être même l'économie et la politique, tiens. J'étais en soif d'apprendre, de découvrir le monde. Je ne tenais jamais en place. Ma mère savait au fond d'elle que je ne tarderais pas à partir, moi, son unique enfant. Celle pour qui elle avait sacrifié sa vie. Mais je ne pouvais m'en empêcher, ne pouvait écouter ma culpabilité de laisser derrière moi cette femme qui m'avait tout donné : j'étais un oiseau, et je savais que, tôt ou tard, je partirais vers des contrées lointaines.